La stimulation électrique du nerf pneumogastrique associée à des stimulations sonores
Publié par Sylviane Chéry-Croze dans Recherche · Mardi 04 Jan 2011 · 6:30
Tags: StimulationElectrique, NerfPneumogastrique, Acouphènes
Tags: StimulationElectrique, NerfPneumogastrique, Acouphènes
Nouvel espoir pour les acouphènes : la stimulation électrique du nerf pneumogastrique associée à des stimulations sonores
Adaptation française résumée : Sylviane Chéry-Croze - Tinnitussimo 71 - 1er Trimestre 2011
Une
publication dans la prestigieuse revue Nature a, à la mi-janvier 2011 ,
déclenché l’intérêt des médias et - bien entendu - le nôtre puisqu’il
pourrait s’agir d’une nouvelle piste de traitement pour les acouphènes.
Dans
cet article, nous vous présentons les grandes lignes de la méthode
décrite dans cette publication et sur lesquelles se fondent ces espoirs.
D’après les résultats de cette expérimentation le couplage de stimuli sonores spécifiques avec des stimulations brèves et répétées du nerf vague serait capable d’inverser les modifications plastiques liées à la perte auditive, entraînant leur normalisation. Cette dernière inverserait à son tour le « marqueur » comportemental de l’acouphène chez des rats exposés au bruit.
D’après les résultats de cette expérimentation le couplage de stimuli sonores spécifiques avec des stimulations brèves et répétées du nerf vague serait capable d’inverser les modifications plastiques liées à la perte auditive, entraînant leur normalisation. Cette dernière inverserait à son tour le « marqueur » comportemental de l’acouphène chez des rats exposés au bruit.
Dans
cette étude, les auteurs ont développé chez le rat un nouveau modèle
comportemental d’acouphènes induits par le bruit dans lequel le marqueur
comportemental de l’absence d’acouphène est la capacité à détecter un
petit silence (quelques dizaines de msec) inclus dans un bruit en bande
étroite. Chez les rats exposés au bruit, cette capacité à détecter des
silences dans des bruits de bande étroite centrés sur le traumatisme
auditif est très détériorée. Cette déficience dans la détection des
silences dans des bruits de bande étroite, spécifique de la fréquence,
est interprétée comme le signe que les rats préalablement exposés au
bruit ressentent un acouphène
qui remplit les intervalles silencieux et rend ces derniers indétectables. La fréquence qui entraîne la plus grande détérioration, est considérée comme la fréquence présumée de l’acouphène du rat.
qui remplit les intervalles silencieux et rend ces derniers indétectables. La fréquence qui entraîne la plus grande détérioration, est considérée comme la fréquence présumée de l’acouphène du rat.
Pourquoi stimuler avec des sons ?
Des changements plastiques dans l’organisation des cartes corticales
(zones du cortex cérébral sur lesquelles se projettent les structures
sensorielles concernées) ont été observés après lésions. Ainsi, chez les
amputés d’une main, les neurones centraux qui répondaient aux
stimulations de la main enlevée se mettent à répondre aux stimulations
de la face ou de l’avant-bras.
De même, en présence d’une perte auditive, les neurones qui
répondaient aux fréquences situées dans cette perte, répondent aux
dernières bonnes fréquences situées en bordure de la perte. D’où l’idée
1/
que les modifications plastiques pourraient rendre compte des
perceptions de membre fantôme observées chez les amputés comme chez les
personnes acouphèniques ayant une perte auditive
2/ de forcer les neurones situés dans la perte à retravailler sur les
fréquences pour lesquelles ils étaient programmés, soit en les
stimulant par des sons de fréquences comprises dans la perte auditive
soit par un entraînement à la discrimination de fréquences voisines
localisées dans cette même zone. Cette deuxième idée a donné lieu à un
certain nombre d’essais. L’objectif visé était que l’augmentation du
nombre de neurones corticaux accordés sur les fréquences autres que
celle(s) de l’acouphène réduise la surreprésentation de la zone de
bordure et normalise les cartes corticales en apportant une amélioration
de l’acouphène.
Dans un certain nombre de cas, les essais réalisés ont effectivement
montré des bénéfices temporaires pour les patients. Pour maintenir
l’effet lorsqu’il existe, il s’est avéré nécessaire de continuer
l’exposition aux stimulus auditifs spécifiques et/ou l’entraînement à la
discrimination.
Il faudrait donc obtenir un renversement de longue durée de la plasticité pathologique pour espérer apporter un soulagement significatif aux patients.
Il faudrait donc obtenir un renversement de longue durée de la plasticité pathologique pour espérer apporter un soulagement significatif aux patients.
Pourquoi stimuler le nerf pneumogastrique ?
Le nerf pneumogastrique encore nommé nerf vague ou nerf crânien n° X
est un nerf mixte qui véhicule à la fois des informations motrices,
sensitives, sensorielles et végétatives. C’est une voie importante de
notre système parasympathique qui, avec son pendant orthosympathique,
régule nos fonctions automatiques : pression artérielle, fréquence
cardiaque, fréquence respiratoire, digestion etc…) et relie nos organes
au cerveau. Il contient un grand nombre de fibres nerveuses
parasympathiques destinées aux viscères thoraciques et abdominaux.
Les nerfs pneumogastriques quittent la boîte crânienne, descendent dans le cou, longent l’oesophage en donnant plusieurs rameaux pour les organes sus-diaphragmatiques (larynx, pharynx, oesophage, bronches, poumons, thyroïde, coeur), puis traversent le diaphragme et rayonnent au niveau des viscères et du plexus solaire.
La stimulation du nerf vague déclenche la libération de multiples neuromodulateurs (substances modulant l’intensité des échanges entre neurones) connus pour amplifier les phénomènes de plasticité, agissant dans le cortex comme dans d’autres régions cérébrales. C’est
donc une méthode susceptible de permettre d’induire des changements plastiques de manière durable.
Les nerfs pneumogastriques quittent la boîte crânienne, descendent dans le cou, longent l’oesophage en donnant plusieurs rameaux pour les organes sus-diaphragmatiques (larynx, pharynx, oesophage, bronches, poumons, thyroïde, coeur), puis traversent le diaphragme et rayonnent au niveau des viscères et du plexus solaire.
La stimulation du nerf vague déclenche la libération de multiples neuromodulateurs (substances modulant l’intensité des échanges entre neurones) connus pour amplifier les phénomènes de plasticité, agissant dans le cortex comme dans d’autres régions cérébrales. C’est
donc une méthode susceptible de permettre d’induire des changements plastiques de manière durable.
Inversion de plasticité dirigée par des stimulations sonores
À la lumière de toutes ces données, les auteurs ont pensé à coupler
la stimulation du vague à des stimuli sonores multi-tons excluant les
fréquences surreprésentées. Dans cette expérimentation, c’est le nerf
vague gauche qui est stimulé car chez le rat comme chez l’humain le nerf
vague droit contient des neurones qui stimulent le noeud sinusal,
(ensemble de cellules nerveuses de la paroi de l’oreillette droite) dont
la stimulation pourrait causer des complications cardiaques.
Chez les rats ayant reçu le couplage stimulations du vague/ multi-tons, les modifi cations plastiques et la capacité de détecter des « silences » dans le bruit (indiquant la présence d’acouphènes) ont été supprimées. Elles se sont maintenues jusqu’à trois semaines après la fin du traitement.
Chez les rats ayant reçu le couplage stimulations du vague/ multi-tons, les modifi cations plastiques et la capacité de détecter des « silences » dans le bruit (indiquant la présence d’acouphènes) ont été supprimées. Elles se sont maintenues jusqu’à trois semaines après la fin du traitement.
Perspectives chez l’Homme
Cette méthode pourrait offrir la possibilité de générer des
modifications plastiques de longue durée, spécifiques du stimulus.
Contrairement aux approches pharmaceutiques, elle pourrait supprimer ou
diminuer fortement l’acouphène avec des effets secondaires minimes.
Un protocole clinique commence actuellement en Belgique. Il inclue, sur invitation exclusivement, des patients ayant un acouphène sévère de plus d’un an lié à une perte auditive, alors que le modèle de rat étudié dans l’article ci-dessus était un modèle d’acouphène sur
traumatisme sonore récent (3 semaines). Son but est d’apporter des informations préliminaires sur l’efficacité et l’innocuité du dit traitement chez l’Homme. Il convient donc de ne pas « s’emballer » pour l’instant tout en espérant que les résultats seront à la hauteur des espoirs que les résultats ci-dessus soulèvent chez nous tous.
Un protocole clinique commence actuellement en Belgique. Il inclue, sur invitation exclusivement, des patients ayant un acouphène sévère de plus d’un an lié à une perte auditive, alors que le modèle de rat étudié dans l’article ci-dessus était un modèle d’acouphène sur
traumatisme sonore récent (3 semaines). Son but est d’apporter des informations préliminaires sur l’efficacité et l’innocuité du dit traitement chez l’Homme. Il convient donc de ne pas « s’emballer » pour l’instant tout en espérant que les résultats seront à la hauteur des espoirs que les résultats ci-dessus soulèvent chez nous tous.
Bien entendu, pour être éligible à cette technique il est nécessaire
que la perte auditive ne soit pas trop importante pour que les stimuli
sonores puissent être entendus et les signaux correspondants transmis
jusqu’au cerveau.
Point positif à noter : la technique de stimulation du nerf vague est
peu invasive par rapport aux autres techniques testées susceptibles
d’apporter une amélioration au moins temporaire (stimulation magnétique
transcrânienne, stimulation électrique corticale).
Une startup américaine développe un système adapté au traitement des
affections neurologiques délivrant une neurostimulation sans fil ni
batterie implantée. De petite taille, il devrait d’abord être utilisé
pour le traitement des douleurs chroniques mais l’adaptation à la
stimulation du nerf vague est d’ores et déjà à l’étude.
De plus, il est possible que l’association d’autres événements
sensoriels avec de brèves périodes de stimulation du nerf vague puisse
être utilisée pour renverser la plasticité pathologique associée à
d’autres conditions neurologiques communes comme la douleur chronique,
la réhabilitation des attaques cérébrales et l’amblyopie.
Des études supplémentaires devraient permettre à l’avenir d’être fixés sur ce point.
Des études supplémentaires devraient permettre à l’avenir d’être fixés sur ce point.
Tinnitussimo 71 - 1er Trimestre 2011
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