Acouphènes somatosensoriels

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Acouphènes somatosensoriels

France Acouphènes
Publié par Dr Paolino et Ghulyan-Bedikian dans Santé · Lundi 26 Sep 2011
Tags: AcouphènesSomatosensoriels
Acouphènes somatosensoriels
Dr Michel Paolino Imerta Marseille - membre de notre comité scientifique
Dr Vénéra Ghulyan- Bedikian Hôpital privé Clairval, Marseille

 
De quoi s’agit-il ?
La pratique clinique et l’expérience des  patients montrent qu’il existe un lien entre certains acouphènes et le  système somatosensoriel *1  Un groupe de chercheurs du Tinnitus Research Initiative s’intéresse  particulièrement à ce type d’acouphènes, cherche à définir leurs  caractéristiques et essaie d’établir une approche thérapeutique adaptée  pour le traitement de ces symptômes.
Il est actuellement admis de distinguer des Acouphènes à Modulation Somatosensorielle et des Acouphènes Somatosensoriels proprement dits. Les premiers sont souvent d’origine auditive, mais leur intensité, la fréquence (le pitch *2 ) et même la localisation peuvent être modulées par des influences somatosensorielles.
Les  Acouphènes Somatosensoriels, quant à eux, sont liés à un problème de la  région crânio-cervicale plus qu’à un dysfonctionnement de l’appareil  auditif. Leur apparition est liée à un ou plusieurs des facteurs  suivants :
traumatisme crânien et/ou cervical,
manipulations dentaires, cervicales ou des mâchoires,
douleurs chroniques de la tête, du cou ou de la ceinture scapulaire, *3
augmentation simultanée de l’acouphène et desdouleurs associées,
posture inadéquate au repos, à la marche, au travail ou pendant le sommeil,
bruxisme *4  diurne et/ou nocturne.
  
Les Acouphènes d’origine somatosensorielle ne sont pas très  fréquents. Parmi 1025 patients qui ont consulté notre centre entre  2008-2009, seulement 67 (6,5 %) liaient l’apparition de leurs acouphènes  à un traumatisme cervical ou crânien. Soixante-dix-huit (7,6 %)  patients rapportaient une apparition ou une augmentation significative  de l’acouphène à la suite de manipulations dentaires, cervicales ou des  autres facteurs précités. Dans la littérature il n’y a pas de consensus  concernant le rôle de ces différents facteurs dans la genèse des  acouphènes. Ainsi, les études épidémiologiques montrent qu’en stade aigu  les traumatismes cervicaux ne s’accompagnent pas d’un acouphène.
Seulement chez 10-15 % des patients ayant des antécédents d’entorse  cervicale on note l’apparition d’acouphènes et d’autres symptômes  otologiques. Ces effets retardés peuvent s’expliquer par des tensions  musculaires anormales liées à des postures que les patients adoptent  pour éviter la douleur consécutive au traumatisme cervical. Ces derniers  peuvent également entraîner des lésions des articulations  temporo-mandibulaires (ATM) et des problèmes de malocclusion  post-traumatiques, responsables d’un dysfonctionnement des muscles  masticateurs qui peut provoquer des acouphènes à long terme. Cependant,  certains auteurs confirment que les entorses cervicales n’entraînent pas  de dysfonctionnement des ATM.
Quant au rôle des ATM dans la  pathogénie des acouphènes, il est peu probable que ce symptôme soit  causé directement par une relation mécanique entre le système  masticateur et l’oreille moyenne.
Théoriquement les pathologies des  ATM pourraient provoquer un dysfonctionnement de l’oreille moyenne via  les connexions anatomiques existant entre ces structures. Mais, les  études anatomiques récentes ne confirment pas la possibilité de  déclenchement des mouvements des osselets de l’oreille moyenne par une  traction des divers ligaments de cette articulation.
D’autre part, il est connu que, grâce à une innervation commune par le nerf trijumeau, *5 le dysfonctionnement neuromusculaire des muscles masticateurs peut induire une hypertonie *6 réflexe des muscles de l’oreille moyenne, ainsi qu’une myoclonie *7 du palais  qui peuvent être responsables des acouphènes.

*1 Système somatosensoriel : partie du système nerveux permettant la perception consciente et inconsciente de toutes les modifications
intéressant la peau, les muqueuses, les viscères, les muscles et les articulations.
*2 Pitch :  Mot anglais signifiant ton ou hauteur tonale ce qui explique pourquoi  ce terme est aussi employé pour dénommer la fréquence ou hauteur tonale  de l’acouphène.
*3 Ceinture scapulaire : constituée de l’omoplate et de la clavicule, elle relie le membre supérieur au sternum.
*4 Bruxisme : Terme médical employé pour les phénomènes de serrements et/ou grincements des dents.
*5 Nerf trijumeau :  Ve paire de nerfs crâniens, ils véhiculent essentiellement les  informations sensorielles provenant de la tête, de la bouche, et les  commandes motrices des muscles masticateurs.
*6 Hypertonie : Augmentation exagérée et permanente de l’état de tension d’un muscle au repos.
*7 Myoclonie : Mouvements brefs, brusques, répétés, déclenchés par une contraction involontaire d’un muscle.

Dans de rares cas, le tonus irrégulier du muscle tenseur du voile du  palais peut entraîner un dysfonctionnement de la trompe d’Eustache, qui  peut provoquer une congestion de l’oreille et un acouphène. Selon nos  statistiques, sur 1025 patients qui présentaient des acouphènes comme  motif principal de consultation, 256 (25 %) avaient des problèmes d’ATM  associés.Mais il est difficile de leur attribuer un rôle causal dans la  pathogénie des acouphènes.
Si les Acouphènes Somatosensoriels proprement dits sont relativement  rares, les Acouphènes à Modulation Somatosensorielle, quant à eux, ont  une plus forte prévalence. Souvent, les patients rapportent spontanément  des informations qui orientent le praticien vers une suspicion de ce  type d’acouphène. En consultation clinique il est habituel d’entendre  que certaines contractions musculaires puissantes de la tête, du cou ou  des membres, des pressions exercées sur l’articulation  temporo-mandibulaire, des mouvements oro-faciaux ou des doigts, des  stimulations cutanées ou électriques de la main et parfois même des  mouvements oculaires changent temporairement la perception de  l’acouphène.
Dans notre pratique, 22 % des patients ont rapporté une  possibilité de modulation de leur acouphène par au moins une des actions  précitées. La recherche clinique bien ciblée d’une telle modulation  nous a permis de doubler ce chiffre et a révélé un nombre plus important  de patients susceptibles d’être améliorés par une approche  somatosensorielle.
Les données épidémiologiques diffèrent d’une étude à l’autre et  dépendent du recrutement des patients ainsi que des méthodes employées  pour la recherche d’une éventuelle modulation. Selon différents auteurs,  de 65 % à 71 % des patients seraient capables de moduler leur acouphène  par des contractions musculaires spécifiques, indépendamment de  l’étiologie et des caractéristiques audiométriques des acouphènes.
D’autre part, il a été montré que la contraction ou la palpation  spécifique de certains muscles qui modulent les acouphènes existants,  peuvent en provoquer chez les sujets sains qui n’ont jamais eu  d’acouphènes auparavant. Dans une étude contrôlée, Sanchez et coll.  ont obtenu une modulation de l’intensité et du pitch de l’acouphène  chez 65,3 % des patients grâce à des actions spécifiques sur la région  crânio-cervicale. En même temps, les auteurs ont montré que ces mêmes  manipulations provoquaient des acouphènes passagers chez 14 % des sujets  asymptomatiques testés.
À quoi sont-ils dus ?
Ces phénomènes, qui peuvent parfois paraître étranges, pourraient  s’expliquer d’une part par l’interaction entre les systèmes auditif et  somesthésique, d’autre part, par le rôle de la neuroplasticité dans le  mécanisme des acouphènes. Il est actuellement bien établi que les  afférences *8 des  muscles de la tête et du cou, véhiculées particulièrement par le second  nerf cervical et le nerf trijumeau (nerf V), interagissent avec les  afférences auditives au niveau du noyau cochléaire dorsal (1er relais  des voies auditives). Ce dernier, situé dans le tronc cérébral, joue un  rôle déterminant dans les acouphènes. Grâce à ces connexions  anatomiques, les influences somesthésiques modulent l’excitabilité des  voies auditives centrales, y provoquent une anomalie de l’activité  neuronale, qui, à son tour, peut aboutir à la perception d’un acouphène.  En effet, selon la théorie de neuroplasticité, les acouphènes peuvent  résulter d’une interaction anormale entre les différentes modalités  sensorielles, les systèmes sensori-moteurs, *9 ainsi que les réseaux cognitifs et émotionnels. Le démasquage de synapses « latentes »,*10 la diminution de l’inhibition et la génération de nouvelles connexions grâce à la repousse axonale *11  sont des manifestations précoces de la neuroplasticité.
Elles entraînent une distribution latérale de l’activité neuronale et  favorisent le développement des régions d’hyperexcitabilité dans le  système nerveux central. À plus long terme, une réorganisation des zones  réceptives tonotopiques  *12 s’observe  dans certains relais des voies auditives comme le noyau cochléaire, le  colliculus inférieur et dans le cortex auditif. Ces phénomènes fondés  sur la plasticité neuronale du système auditif central et sur la  possibilité de son activation par des voies non-spécifiquement auditives  seraient donc responsables des acouphènes somatosensoriels.

*8  Afférences : Parties des neurones se projetant sur les structures nerveuses responsables des informations nerveuses qui y entrent.
*9  Systèmes sensori-moteurs  : Boucles nerveuses couplant des informations sensorielles à des  commandes motrices des muscles pour générer des mouvements adaptés.
*10  Synapses « latentes »  : Les synapses sont les points de contact entre neurones qui permettent  le passage de l’information sous forme d’influx électriques. Dans les  conditions normales certaines synapses sont inhibées. La levée de  l’inhibition de ces synapses    «latentes » permet leur « mise en  service ».
*11  Axone : Prolongement du neurone conduisant l’influx nerveux vers les autres neurones.
*12 Tonotopie :  Phénomène d’organisation spatiale des représentations des fréquences  dans le système nerveux auditif qui fait que l’on retrouve les  fréquences voisines les unes à côté des autres, des graves vers les  aigües.

Comment les identifier ?
Bien que les mécanismes exacts de ce type d’acouphène ne soient pas  bien connus, il est légitime de penser que si l’entrée somesthésique  (résultant de la stimulation d’une zone du corps) est capable de  provoquer ou de moduler des acouphènes, elle pourrait également les  diminuer ou les supprimer. Il est donc très important de rechercher  pendant l’interrogatoire du patient et l’examen clinique des indices  révélateurs d’un éventuel dysfonctionnement susceptible d’influencer la  perception de l’acouphène ou d’en être la cause.
Les tests suivants peuvent y contribuer :

     
Mouvements actifs des mâchoires et du cou(avec  et sans résistance de la part de l’examinateur) : ouverture et  fermeture de la bouche, mouvements du menton en avant, en arrière, sur  les côtés, rotation et inclinaison de la tête (figure 1).







    
Recherche des Points Gachettes *13 Myo-faciaux (PGM) ou Points Sensibles *14 (PS)dans les muscles suivants : sous-épineux, élévateur de la scapula (ou omoplate), trapèze *15,  splénius (muscle de la nuque) de la tête et du cou, scalène médial  (muscle du cou), sternocléidomastoïdien (SCM : voir figure 4),  digastrique, masséter et temporal. Les PS ou PGM sont recherchés en  exerçant avec un doigt une pression profonde et soutenue pendant au  moins 10 s ou en pinçant la zone suspectée entre pouce et index (figure  2). On peut également utiliser un algomètre, appareil qui permet en plus  de mesurer le seuil de pression nécessaire pour déclencher la douleur.

 
Test de fatigue : serrage des dents avec une spatule en position antérieure,gauche et droite pendant une minute (figure 2)

     
Mouvements des yeux :  regard central, latéral extrême gauche puis droite, ensuite en haut et  en bas, en maintenant chacune de ces positions pendant 5-10s.




Tous  ces tests doivent se réaliser dans le calme en demandant au patient de  signaler une éventuelle modulation de l’acouphène. Il est également  recommandé de quantifier la réponse du patient à l’aide des échelles  numériques (figure 3). Cette évaluation
chiffrée permet de mieux  connaître l’effet modulateur des différents tests sur chaque patient, de  mieux cibler la thérapie et de réaliser un suivi des interventions  thérapeutiques mises en place.
 
   
    
*13  « Points gachettes » : Zones hypersensibles localisées dans les muscles squelettiques qui déclenchent des douleurs locales ou distantes
soit spontanément, soit en réponse à une stimulation mécanique.
*14  « Points sensibles » : Zones isolées douloureuses à la palpation superficielle du corps
*15 Trapèze : Muscle large, de forme triangulaire, situé dans le dos et tendu de l’arrière du crâne à la 12e vertèbre thoracique qui s’insère
également sur la clavicule et l’omoplate (scapula).

Comment les traiter ?
Le traitement des acouphènes ayant un lien avec le système  somatosensoriel vise à diminuer ou à normaliser la tension musculaire  anormale susceptible d’interférer dans la perception de ce symptôme.
Répétition des mouvements spécifiques qui modulent l’acouphène
Les exercices par répétition des mouvements entraînent des  changements neurophysiologiques par activation de la plasticité  neuronale. Il est recommandé de faire des exercices d’étirement des  muscles sous-occipitaux (muscles postérieurs profonds de la nuque), des  rotations autour de l’articulation atlantooccipitale (articulation du  crâne sur l’atlas, 1e vertèbre cervicale) et d’y associer des exercices  de relaxation et de respiration impliquant les mouvements du diaphragme.  Dans la littérature, il y a des descriptions de plusieurs cas cliniques  montrant la disparition ou la diminution de l’acouphène grâce à la  répétition des contractions musculaires ou des manoeuvres spécifiques  qui entraînaient une modulation de l’acouphène pendant l’exploration des  patients. Cette approche peut même faire disparaître l’acouphène  provoqué par des mouvements des yeux. Dans une étude suivant l’évolution  des patients les exercices spécifiques ont entraîné une réduction  signifi cative des acouphènes et des symptômes associés, tels que  sensation de déséquilibre, plénitude de l’oreille, douleur des  mâchoires, de la nuque et de la tête. Ces effets ont été observés sur  une durée de suivi de 3 ans.
Désactivation des Points sensibles et des Points gachettes Myofasciaux
Les points sensibles sont des zones douloureuses isolées qui  réagissent à des palpations superfi cielles du corps. On en trouve  fréquemment chez les patients souffrant de douleurs chroniques. Les  points gachettes sont des petites zones hypersensibles localisées dans  les muscles squelettiques. Ils peuvent provoquer des douleurs locales ou  distantes soit spontanément, soit sous l’effet d’une action mécanique.  Les points gachettes sont considérés actifs lorsque leur stimulation  aggrave la douleur existante ou lorsqu’elle provoque une perception  douloureuse similaire à celle décrite par le patient. Ils peuvent aussi  être latents, c’est-à-dire être cachés dans des zones asymptomatiques et  provoquer des douleurs locales ou projetées seulement en cas de  stimulation.
La recherche ciblée de telles zones pendant l’examen clinique est  très importante, car elle permet de révéler de nouvelles potentialités  thérapeutiques pour certains patients. Notre pratique et les données  bibliographiques montrent qu’il est possible d’obtenir une modulation  des acouphènes non seulement par une action spécifi que sur les PGM  actifs, mais aussi par la compression des PGM latents.
Il est actuellement bien établi que l’action sur les points gachettes  de la zone crânio-cervicale produit plus de modulation de l’acouphène  que celle de la ceinture scapulaire . Ceci s’explique par la richesse  des connexions entre le système auditif et la région  crânio-cervicale.D’autre part, il a été montré que lorsque les PGM  latents persistent longtemps, ils entraînent une sensibilisation des  fibres nerveuses et une vasoconstriction due à une augmentation de  l’activité du système nerveux sympathique. Il est connu que les fuseaux  neuromusculaires ont une innervation sympathique directe qui est  impliquée dans l’augmentation de la tension locale liée à des stimuli  déclenchant la douleur.
Dans la bibliographie on trouve des descriptions de cas de diminution  de l’acouphène suite à la suppression de l’effet du système sympathique  sur l’oreille soit par inhibition chimique soit par sympathectomie  (blocage chirurgical du nerf sympathique). Le mécanisme d’action des PGM  sur l’acouphène peut donc impliquer non seulement les interactions des  systèmes somesthésique et auditif, mais aussi le système nerveux  sympathique.
En règle générale, les PGM sont très caractéristiques  des patients présentant un syndrome myofascial douloureux qui est  souvent associé à un acouphène.
Par ailleurs, les études récentes ont  trouvé une forte corrélation entre la latéralité de l’acouphène et des  zones riches en PGM, témoignant de leurs liens réciproques.
Notre expérience confirme les données bibliographiques quant aux  possibilités de soulager temporairement certains acouphènes en agissant  sur les points gachettes des masséters (muscle de la joue intervenant  dans la mastication), du splénius capitis (muscle de la face dorsale du  cou), du sternocléidomastoïdien ou des muscles temporaux.
Dans une étude récente sur 11 patients dont les acouphènes étaient  associés à des douleurs fréquentes de la région crânio-cervicale depuis  au moins trois mois, Sanchez et coll. ont évalué l’effet modulateur des  pressions digitales des PS et des PGM. Dix patients avaient
un  syndrome myo-facial douloureux et un patient présentait seulement des  PS. Une modulation de l’acouphène grâce aux pressions digitales sur  certains PS et PGM a été obtenue chez 5 patients (45,5 %).
Deux  autres, y compris le patient sans PGM, ont été soulagés seulement grâce  aux PS. Les injections locales répétées d’anesthésiants (ex : lidocaïne)  ou de stéroïdes (ex : hydrocortisone) dans les PGM situés dans certains  muscles ipsilatéraux (masséter, ptérygoïdien (muscle de la machoire),  trapèze, sternocléidomastoïdien) peuvent diminuer temporairement la  tension musculaire, soulager la douleur cervicale et diminuer ou même  supprimer les acouphènes associés. Des effets bénéfiques de ces  thérapies ont été observés durant une période de suivi allant de  quelques semaines jusqu’à quatre mois, selon l’étude considérée. Par  ailleurs, il a été montré que la réalisation régulière des exercices  spécifiques après les injections augmente l’efficacité du traitement.
D’autres  méthodes, comme l’administration de myorelaxants centraux  (benzodiazépines etc.), massages, ostéopathie, thérapie par laser,  électro-stimulation transcutanée des nerfs, acupuncture et thérapie  magnétique, sont également utilisées pour la désactivation des PGM.
Traitement des acouphènes par approche stomatologique
L’approche stomatologique est indiquée lorsque l’acouphène est un  symptôme secondaire, apparu à la suite d’un dysfonctionnement du système  temporomandibulaire (DSTM). En revanche, l’intervention isolée d’un  stomatologue est inadéquate et insuffisante dans les cas où le DSTM est  une conséquence de l’acouphène (qui est responsable d’un bruxisme  nocturne générant un DSTM, par exemple) ou lorsque le DSTM et  l’acouphène sont dus à une autre cause.
Dans ces cas la prise en charge pluridisciplinaire des acouphènes devient indispensable.
L’intervention thérapeutique peut être bénéfique si au moins un des symptômes suivants sont présents :

altération des amplitudes de mobilité des articulations (limitation d’ouverture de la bouche, déviation ou déflexion),
mouvements articulaires douloureux,
 douleurs myofasciales, arthralgies (douleurs articulaires d’origines  mécanique, inflammatoire ou mixte) ou douleurs au niveau des muscles  masticateurs, des ATM ou des points gachettes myofasciaux révélés par  une palpation,
bruxisme, serrage des dents etc.
D’habitude, le traitement des DSTM n’est pas efficace chez les  patients qui ont des claquements indolores des ATM ou des interférences  occlusales non symptomatiques. Mais, cette approche peut soulager les  acouphènes associés s’il y a un lien entre l’acouphène et les symptômes  du DSTM, par exemple, lorsque le craquement des ATM est localisé du même  côté que l’acouphène.

Deux types de thérapies sont actuellement disponibles :  conservatrices et invasives. Les premières incluent une mise en place de  gouttières occlusales, des ajustements sélectifs des surfaces  d’occlusion dentaire, conseil, physiothérapie, myorelaxants, Biofeedback  par Electro- MyoGraphie avec une relaxation progressive, hypnose,  acupuncture, injections locales des anesthésiants, des stéroïdes, ou de  la toxine botulique. Les méthodes invasives incluent une chirurgie des  ATM.
La plupart des patients réagissent aux thérapies conservatrices.  L’avantage de ces méthodes est qu’elles n’entraînent pas de  modifications structurales du système manducateur, contrairement aux  thérapies invasives qui peuvent causer des changements structuraux  irréversibles mineurs ou plus extensifs.
Injections de la toxine botulique
La toxine botulique est une neurotoxine qui est employée, grâce à son  effet paralytique, pour letraitement des problèmes liés à une  hyperactivité musculaire, tels que des troubles du mouvement, dystonie,  spasticité, strabisme, des troubles gastrointestinaux et urologiques,  ainsi qu’en chirurgie esthétique pour la diminution des rides. À part  cette action sur le système neuromusculaire, la toxine botulique peut  avoir une action anti-douleur directe en agissant sur le système nerveux  autonome. Des études in-vitro et in-vivo ont montré qu’elle inhibe la  libération des neuromédiateurs des fi bres nociceptives, suggérant que  cette toxine inhibe, par un mécanisme périphérique, la sensibilisation  des neurones centraux trigémino-vasculaires, qui jouent un rôle  important dans le développement, la progression et le maintien des  migraines.

Une étude prospective en double aveugle a montré une amélioration  de l’acouphène chez 27 % des patients après les injections d’une toxine  botulique particulière (BoNT-A à 20-50 unités) dans trois zones  péri-auriculaires. Les injections du placebo (liquide physiologique) ont  entraîné une amélioration chez 8 % des patients. Douze et 27 % des  patients ont signalé une aggravation de l’acouphène après respectivement  les injections de la BoNT-A et du placebo. Les autres patients testés  (respectivement 61 % et 65 %) n’ont pas noté de changement de leur  acouphène.
Par ailleurs, l’amélioration subjective évaluée par « Impression  Clinique Globale » et le questionnaire « THI » ciblant le handicap lié à  l’acouphène a été significativement plus marquée après les injections  de la BoNT-A, que celle obtenue grâce aux injections placebo.
Le site  des injections de la BoNT-A varie en fonction de l’étiologie de  l’acouphène. Les injections dans la cavité de l’oreille moyenne sont  réalisées pour le traitement des acouphènes liés aux contractions  myocloniques du muscle du marteau. Pour les acouphènes objectifs liés  aux myoclonies du palais, la BoNT-A est injectée dans les muscles du  palais par guidance laryngoscopique.

Les acouphènes associés à un spasme hémi-facial (de la moitié du  visage), affectant le muscle auriculaire postérieur (MAP) sont traités  par des injections dans ce muscle sur le même côté que l’acouphène.

Conclusion
Les mécanismes exacts des acouphènes somatosensoriels ne sont pas  bien connus et la bibliographie ne fournit pas de preuves plausibles de  l’efficacité des différentes thérapies proposées actuellement.  Cependant, l’existence même de ce type d’acouphènes confirme la  nécessité d’une approche multidisciplinaire. L’exploration minutieuse et  l’intervention bien ciblée de différents spécialistes peuvent améliorer  considérablement la qualité de la prise en charge des patients  acouphéniques.

Bibliographie : Textbook of Tinnitus Moller A, Kleinjung T, Langguth B, De Ridder D - Editions Springer, New York, 2010.
T I N N I T U S S I M O - 73- 3 e T R I M E S T R E 2 0 1 1


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LEMORT
Jeudi 09 Nov 2023
Excellent article, scientifique et à la fois accessible.
J'ai enfin obtenu de nombreuses réponses après une réelle errance médicale.
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